Argumentaire sur l’Artificialisation des sols dans le Comminges


Les associations suivantes : Nature en Occitanie, FNE Midi pyrénées, AREMIP, Les amis de la Terre Midi-pyrénées, ATTAC Comminges et Nature Comminges, ont adressé une “lettre ouverte aux élus” pour protester contre l’extension des zones urbanisées et l’artificialisation des sols en Comminges, notamment contre le projet OZE à l’ouest de St Gaudens. Voici la lettre au préfet.


Des tendances lourdes


Conséquence de l’accroissement de l’agglomération toulousaine, la croissance démographique très soutenue enregistrée entre 1990 et 1999 (+1,4% par an), se maintient depuis 1999, faisant de la Haute-Garonne le département métropolitain le plus dynamique avec l’Hérault. Le canton de Saint-Gaudens n’est pas resté à l’écart de ce phénomène, puisqu’on enregistre un accroissement de la population au sein du Pays Comminges Pyrénées de 7,6 % entre 1999 et 2015, soit 5 494 habitants supplémentaires. Le S.C.O.T du Pays de Comminges-Pyrénées (validé le 4 juillet 2019) table sur une augmentation importante de la population, avec l’accueil de 10.000 nouveaux habitants à l’horizon 2030.


Par courrier du 23 octobre 2018, le Préfet de la région Occitanie alertait en ces termes les Préfets des départements concernés sur la consommation d’espace en région Occitanie (région la plus attractive de France). « En 10 ans, la tache urbaine a augmenté de 14,5%. Une surface de 730 m² en moyenne a été artificialisée pour chaque habitant supplémentaire en Occitanie. Un tel ratio est insoutenable à long terme au regard des prévisions démographiques. » Si la progression de la tache urbaine est variable selon les territoires, il rappelle que « dans bon nombre de territoires ruraux et de villes moyennes, la tache urbaine croît plus vite que la population ». « Cet étalement urbaine excessif s’est traduit, depuis une trentaine d’année, par le développement de zones pavillonnaires et de surfaces commerciales ou encore par la multiplication de zones d’activités. Il aura pleinement impacté le territoire : spéculation foncière, affaiblissement de l’outil de production agricole, augmentation des distances domiciles-travail, ségrégation « sociale », déprise agricole et dégradation de la biodiversité ». « Prolonger cette trajectoire menacerait le maintien de l’activité régionale face aux grands changements à venir : défis énergétique et climatique, défi de la sécurité alimentaire. » (…). On constate localement, qu’entre 2009 et 2013, 390  ha ont été consommés par les surfaces bâties sur le territoire du SCoT du Pays Comminges Pyrénées ; correspondant à un rythme moyen d’environ 78 ha par an (Diagnostic du SCot, p.162 et sv). Entre 2009 et 2018 ce sont donc près de 590 ha qui ont été consommés sur le territoire (59 ha par an en moyenne), pour l’habitat résidentiel, l’extraction de matériaux, principalement sur l’intercommunalité Cœur et Coteaux du Comminges, dans les communes situées au pourtour des pôles urbains comme Saint-Gaudens, et à proximité des grands axes routiers (A64, RN 117). Face à l’urbanisation croissante en Haute-Garonne, le prix du sol et la pression foncière augmentent. La surface agricole, ne représente plus que 58% (346.000 Ha) de la superficie du département, soit une perte de 6% par rapport à 1988. L’agriculture périurbaine est la plus touchée puisqu’elle a perdu 30% de sa surface depuis 1988 du fait de l’urbanisation et de l’emprise des infrastructures.


Le Préfet d’Occitanie préconisait « d’inciter les acteurs à faire évoluer leur regard en matière d’urbanisme vers les principes suivants : Le développement dans des zones déjà artificialisées, notamment les cœurs de villes doit devenir la règle ; l’extension doit devenir une « exception justifiée » dans le cadre du tryptique « éviter, réduire, compenser ». Dans ses orientations stratégiques l’État demande à l’Établissement Public Foncier d’État (EPFE) (…) « de prioriser son action en zones moins tendues autour de la reconversion de friches et de fonciers d’activités, de l’intervention sur l’habitat ancien dégradé et de dents creuses ».


La circulaire du premier ministre du 24 août 2020, en référence au plan biodiversité et aux conclusions de la convention citoyenne pour le climat, demande aux préfets “de faire usage des pouvoirs dont ils disposent en la matière pour lutter contre l’artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d’exploitation commerciale” et oblige à repenser l’aménagement urbain.


– La situation au niveau du PETR Comminges-Pyrénées


Au vu de la persistance de projets d’urbanisation de nos Communautés de communes, nous doutons que cet objectif fixé par les autorités au niveau régional et national ait été vraiment entendu en Comminges.


Certes, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) du Pays Comminges Pyrénées, approuvé le 04 juillet 2019,  a défini de grandes orientations en matière d’urbanisme, apportant une vision de territoire pour les décennies à venir. S’il s’engage à réduire de 50% l’artificialisation des sols durant les prochaines décennies, l’association Nature Comminges a toutefois tenu à souligner  dans sa contribution lors de l’enquête publique, certaines réserves sérieuses et son désaccord avec certaines orientations des documents (PADD et DOO), qui laissent ouvertes les possibilités de création et/où d’extension de nouvelles zones commerciales.


Nous réaffirmons notre inquiétude, déjà exprimée dans une contribution écrite le 19 avril 2019 versée à  l’enquête publique du ScoT du Pays de Comminges-Pyrénées, concernant la programmation de nouvelles surfaces réservées à l’implantation de locaux commerciaux (125 hectares pour la Communauté de communes Cagire-Salat, 541 hectares pour la Communauté de Communes Cœur et coteaux du Comminges, 109 hectares pour la Communauté de Communes Pyrénées Haut-garonnaises). En effet, il apparaît que les projets d’aménagement actuels, non seulement ne corrigent pas les erreurs passées, mais s’orientent à nouveau vers une consommation inconsidérée d’espace et de terres agricoles, en contradiction flagrante avec la maîtrise de la consommation d’espaces agricoles et de milieux naturels (affirmée par le SCoT, pages 50 et 51) ; de tels aménagements vont à l’encontre de la lutte contre le changement climatique, entraînant des impacts irréversibles sur les milieux, les paysages et la biodiversité ; ces derniers sont d’autant moins justifiés que l’on assiste depuis plusieurs années à la fermeture de nombreuses surfaces commerciales, notamment dans la Zone Europa d’Estancarbon concurrencée par la Zac des Landes voisine.


Pour Saint-Gaudens et les communes voisines, la nouvelle zone nommée « Futuropole » implantée en bordure de la ville, mieux intégrée dans le tissu urbain, entre les quartiers pavillonnaires et l’autoroute, devrait assurer une augmentation suffisante des espaces pour l’artisanat et les commerces. Le projet OZE de la zone ouest par contre est inacceptable. Pour s’accommoder d’un aménagement initialement incohérent (dispersion des espaces morcelés, depuis la sortie de St Gaudens jusqu’à l’entrée de Villeneuve, et étalement de part et d’autre de la D 817), il s’agit maintenant de réunir les trois Zones Artisanales existantes pour n’en faire qu’une, gigantesque en terme de consommations de terres agricoles, très critiquable en terme d’atteinte à la biodiversité et d’impact paysager. C’est pourquoi ce projet a suscité des réserves et critiques de l’Autorité Environnementale de la région Occitanie.


Nos demandes


Fort de ces constats, nous demandons :


1 – Qu’une modification du SCoT du Pays Comminges-Pyrénées soit engagée sans attendre les délais réglementaires et sa mise en compatibilité avec le SRADDET et la future charte du PNR Comminges-Barousse.


Nos associations sollicitent une clarification de l’articulation du développement porté par les SCoT, notamment celui du PETR Comminges-Pyrénées et le projet de territoire qui sera porté par la Charte du Parc Naturel Régional Comminges Barousse Pyrénées, comme le recommande l’avis du 20 février 2020 du Conseil National de la Protection de la Nature adressé au Ministre de la transition écologique et solidaire dans l’attente de l’Arrêté du Préfet de Région ; nous nous permettons de rappeler que cet avis rappelle que cette Charte « doit être plus exigeante que les ScoT qui doivent être mis en compatibilité avec la Charte du PNR sous 3 ans au titre du L.333-1 du Code de l’Environnement ». Cet avis recommande également de :


– veiller à ce que la future charte soit compatible avec le SRADDET, dont ses règles.11, « Sobriété foncière » et 16 « Continuités écologiques » ;


– disposer d’engagements forts et volontaires en matière de maîtrise de l’urbanisation, notamment pour protéger les zones humides, les continuités écologiques et les enjeux paysagers ;


– prioriser la réalisation d’ABC (Atlas de la Biodiversité Communale) dans les communes concernées par des zones potentiellement aménageables et s’appuyer dessus pour réfléchir les projets d’aménagement, notamment en termes de continuités écologiques et d’intégration paysagère ;


– définir des coupures d’urbanisation significatives afin d’affirmer les continuités écologiques en créant des « Espaces de continuités écologiques » (selon les articles L. 113-29 et 30 du code de l’urbanisme) ;


– protéger les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques dits « sous pression » et les zones paysagères à préserver, en prévoyant un classement adapté dans les documents d’urbanisme et des mesures de gestion pour maintenir ou restaurer leurs fonctionnalités écologiques. »


2 – l’abandon du projet de ZAC ouest de Saint-Gaudens – Villeneuve de Rivière, dite OZE (manifestement incompatible avec les règles générales du SRADDET et les engagements de l’Etat en matière d’artificialisation).


La priorité est désormais de densifier, rendre utiles les espaces déjà artificialisés avant de projeter toute nouvelle artificialisation, en respectant les principes de sobriété foncière, de densification du bâti, en priorisant la reconversion de friches industrielles et la réhabilitation des Zones d’Activité en déclin plutôt que d’étendre la surface ou créer de nouvelles Zones d’activités commerciales ; cette exigence de réorientation des politiques urbaines est rappelée dans le courrier du Préfet de la Région Occitanie, adressé le 23 octobre 2018 aux Préfets des départements sur la consommation d’espace en région Occitanie.


Plus récemment, le conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 a demandé un moratoire sur les projets de zones commerciales implantées sur des terrains qui ne sont pas déjà artificialisés.


« Sans délai, les projets de zones commerciales implantées sur des terrains qui ne sont pas déjà artificialisés feront l’objet d’un moratoire mis en œuvre par les préfets avec les outils du droit actuel, puis les conditions de délivrance de ces autorisations seront revues dans la loi afin d’atteindre l’objectif de lutte contre l’artificialisation »


3 – Nous exigeons que les parcs photovoltaïques soient réservés aux espaces déjà artificialisés


Comme nous l’avons proposé lors de la rédaction du SCoT du Pays de Comminges Pyrénées, nous demandons également que les projets de Parcs photovoltaïques soient réservés aux zones déjà artificialisées et imperméabilisées, en installant des ombrières photovoltaïques au dessus des parkings et des panneaux solaires sur les toits des surfaces commerciales, artisanales, etc.…. Plusieurs projets ont été implantés sur d’anciennes décharges, des zones de stockage de déchets inertes, ou des friches industrielles, néanmoins, malgré la circulaire du 18 décembre 2009 du ministère de l’écologie,  certains projets locaux restent implantés en zone agricole, ou dépassent les limites  (en partie sur des sites naturels d’intérêt, à proximité de zones humides, au cœur de ZNIEFF, sur des terrains recolonisés par la nature).


4 – Nous demandons que les collectivités locales du Comminges engagent, dès à présent, une démarche volontariste en matière de friches commerciales ou industrielles.


Nous sollicitons des Communautés de communes de faire des offres de rachat des surfaces privées en friches pour les réhabiliter ou les exploiter. Il convient de rappeler à ce sujet que le plan de relance gouvernemental (pp.31 et sv), adopté le 3 septembre 2020, prévoit la création d’un fonds de recyclage des friches et renouvellement urbain, qui bénéficiera d’une enveloppe de 300 M€ ; 700 k€ seront consacrés à l’appui aux outils d’accompagnement développés par le CEREMA : Cartofriches, UrbanVitaliz (cf
: https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/annexe-fiche-mesures.pdf).


Nous sollicitons également la mise en place de plans de renouvellement urbain, la restauration du bâti existant, selon une approche d’écologie urbaine pour inverser cette approche de l’espace et créer un environnement urbain de qualité (organiser la réutilisation des nombreux espaces vides en centre ville pour toutes les activités compatibles, réaffecter des surfaces à l’agriculture lorsque c’est possible, par exemple en installant un maraîchage en lieu et place des pelouses, le lancement d’une réflexion sur les panneaux publicitaires à l’entrée des villes…).


Enfin, une réflexion sur les espaces dévolus aux parkings et à la circulation automobile serait nécessaire. Le « tout pour la voiture » est un concept périmé dans le contexte actuel de lutte contre le changement climatique (compte tenu notamment de l’élaboration d’un Plan Climat par le PETR Pyrénées-Comminges). Le développement des transports en commun et des équipements pour le vélo est attendu, mais, s’il permettait enfin l’accès des centres commerciaux, les magasins seraient trop éloignés les uns des autres pour des piétons.

 
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la ZAC Europa